Mars 2025, la vallée de la Somme.

Orion et sa fille Chiora flânent côte à côte sur les chemins de halage, explorent les sites archéologiques, gravitent autour des étangs. Orion piste les oiseaux dont les migrations ont été perturbées par le changement climatique, la reprise des pistages interrompt ces moments complices avec sa fille, la brutalité des départs précipite à chaque fois Chiora dans le noir. Des quelques heures qui suivent la séparation d’avec son père, Chiora ne se souvient pas : pour un temps, elle cesse d’exister. Et Chiora réalise soudain : elle n'est pas réelle. Elle est seulement la fiction que les regrets solitaires d’Orion ont enfanté. Un Orion que Hyam, son amante d’alors, enceinte, a quitté il y a 17 ans, se promettant d’élever seule et loin de lui l’enfant qu’ils avaient conçu. Orion est au mieux un géniteur, certainement pas un père, et, du sommet de sa solitude relevée d’arbres, de terre et d’oiseaux, il se rêve une fille, Chiora, comme une vision solide que d’autres pensées chassent bientôt.

Mais Chiora n’est pas une victime. Elle refuse d’être ce rêve qui s’estompe quand Orion cesse de penser à elle. Alors, un biface préhistorique à la main, elle part s’affranchir de la tutelle de ce père qui n’en est pas un et lui arracher le cœur.

Travaillant sur plusieurs niveaux de fiction, Printemps est un voyage sensoriel en terre picarde, embrassant à la fois ce que la région pourrait être et ce qu’elle est réellement : une histoire de personnages imaginés par des personnages, dans des paysages (villes, villages, champs, étangs, rivières) mal connus, qui s’assemblent, se dissolvent, auraient pu être autrement, exigent d’être considérés.

Printemps est un spectacle qui, par ses fictions, amplifie le panorama de la vallée de la Somme, et de ceux et celles qui l’habitent : suggérés par les mots et la musique, capturés par des vidéos, à la fois rêvés et existants, lieux et personnes déploient les potentialités qu’offre le théâtre : celles de superposer en même temps espaces réels et lieux impossibles, afin de composer le monde où nous vivons.